Les à-peu-près ne sont pas de circonstance

Jouant sur le registre émotionnel, multipliant les signes d’empathie, Emmanuel Macron a tenté de se donner le beau rôle, mais son allocution pose plus de questions qu’il n’a apporté de réponses. Il a martelé une date du 11 mai que son ministre de l’Intérieur s’est dès ce matin dépêché d’annoncer qu’elle était « un objectif et pas une certitude. »

Le président de la République a donné quinze jours au gouvernement pour mettre en musique les principes flous qu’il a annoncé. Le plus dur reste donc à faire. En quoi va consister le déconfinement progressif ? Quels arbitrages vont être rendus dans la pratique ? Les interrogations fusent déjà, les imprécisions sont pointées du doigt, les partis-pris soulignés. Il a fait un pari, à quel prix va-t-il pouvoir le tenir ?

Sans doute a-t-il été effrayé par les nouvelles prévisions économiques et financières annoncées ce matin. La récession s’approfondit, le coût des mesures de soulagement grimpe et avec lui le déficit. Il avait précédemment martelé « quoi qu’il en coûte », il ne l’assume plus devant le montant de l’addition qui se présente et sous la pression grandissante des milieux d’affaire qui s’expriment ouvertement.

Avec quelle unité le prix à payer va-t-il devoir être mesuré ? En euros ou en décès, alors qu’il prétend faire preuve « d’humilité » devant ce que l’on ne sait pas tout en faisant disparaitre de son discours les avis des scientifiques ? Rappelons seulement qu’ils ne savent pas si une personne déjà infectée peut se réinfecter. Suffit-il, pour faire passer la pilule, d’habiller le discours avec une référence au programme du Conseil national de la résistance et à la déclaration des droits de l’homme ?

L’essentiel réside non pas dans ce qu’a annoncé Emmanuel Macron, mais dans ce qu’il n’a pas dit. Et sa décision d’ouvrir progressivement les écoles et des lycées, dont il se sert pour amoindrir les inquiétudes que suscite le retour au travail, est sans doute le plus détestable, qui illustre l’ensemble de sa démarche. Si les enfants peuvent rentrer en classe, pourquoi les salariés ne retourneraient-ils pas au travail, eux-aussi ? Mais quelle va être la portée réelle des mesures de protection ?

Peut-on accepter les à-peu-près présidentiels et les risques qu’il va nous faire prendre ? Sans le dire, la stratégie de l’immunité collective est de retour, et son aménagement pose problème. Seule une vaccination systématique y mettra plus tard un point final.

3 réponses sur “Les à-peu-près ne sont pas de circonstance”

  1. Aprés les soignants, et les professions indispensables c’est le tour des enseignants et des parents d’élèves et la prolifération en chaine qui s’en suivra; donc, si ouverture du bar le 11 mai, fermeture le 13.
    Sinon, au prochain discours ne restera plus qu’un filet de voix audible par son seul orateur. A ce moment, sauf sursaut citoyen d’ampleur ( mais je ne vois pas comment), certains risqueront de vouloir prendre une relève plus inquiétante que le virus.

  2. La pandémie est en avance en Espagne de quelques semaines sur la France, il suffit d’attendre les résultats de leur déconfinement qui commence aujourd’hui.

    Les « informations » espagnoles étant encore plus BFMesque que les nôtres, on peut y voir des gardes civiles distribuer des masques dans les transports en commun et des journalistes assurer que tout est sous contrôle et que chaque administration ou entreprise ouverte respecte les règles d’hygiène de la plus stricte des manières.

    https://elpais.com/elpais/2020/04/13/album/1586757503_343145.html

    Je souhaite vivement me tromper, mais au 11 mai prochain le gouvernement espagnol devrait logiquement avoir donné la preuve que le covid-19 n’est absolument pas sensible à l’argument du déconfinement pour raisons économiques.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.